mardi 10 juillet 2007

Mort dans un fourgon de police, enquête

JDD.fr

Une information judiciaire va être ouverte "très prochainement" par le parquet de Paris après le décès le 17 juin dans un fourgon de police d'un homme arrêté pour violences sur une femme, dans le XXe arrondissement.
Cette procédure fait suite à une plainte avec constitution de partie civile de la famille pour "coups et blessures volontaires ayant entraînés la mort sans intention de la donner, et pour non-assistance à personne en danger", précise-t-on.
La mort de Lamine Dieng à l'âge de 25 ans avait provoqué des incidents lors d'une manifestation de protestation le 6 juillet dans le quartier parisien de Belleville. Plusieurs policiers avaient été blessés et des véhicules endommagés.
Mais le parquet de Paris a infirmé la thèse de la "bavure" policière du fait de l'autopsie qui a montré que la victime était "très vraisemblablement" décédée d'une overdose de cocaïne et de cannabis "à des taux extrêmement importants". Lamine Dieng est mort dans le car de police "malgré les gestes de survie pratiqués par les fonctionnaires de police et les pompiers immédiatement alertés", dit le parquet.

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samedi 12 mai 2007

Interpellé à Paris, un ingénieur dénonce une bavure policière

JEAN-MARC LECLERC.

Un ingénieur de 31 ans, interpellé mercredi à l'issue d'une manifestation contre Nicolas Sarkozy place Saint-Michel à Paris, a porté plainte contre les policiers. Il dit avoir reçu, ce soir-là, des coups de matraque. L'Inspection générale des services (IGS) a été saisie dans le cadre d'une enquête administrative mais aussi judiciaire. Car, d'après l'examen médical pratiqué à la demande de la police des polices, le jeune homme porte des traces de coups.

Philippe Roset a donc déposé plainte pour « violences illégitimes ». Il a été interpellé après avoir rejoint, dit-il, une amie qui participait au mouvement de protestation place Saint-Michel. Mais lui assure ne pas y avoir pris part. Interpellé, il a été conduit au commissariat du XVIIIe arrondissement avec une quarantaine de manifestants pour un contrôle d'identité. Lorsqu'il est sorti, vers 3 heures du matin, avec une petite dizaine de personnes libérées en même temps, l'ingénieur et le reste du groupe ont voulu attendre, à proximité du commissariat, la sortie de l'ensemble des interpellés.

Le groupe a été invité à se disperser. Des insultes ont fusé contre les agents du commissariat, puis des canettes. La police a dispersé les trublions. Le début de l'altercation a été filmé par un téléphone portable. Mais cette courte séquence n'apporterait pas grand-chose à l'enquête. Des témoins affirment cependant que l'ingénieur a été frappé au sol. Depuis le soir du 6 mai, environ 900 personnes ont été interpellées par la police pour des troubles en rapport avec l'élection, plus de 80 policiers ou gendarmes ont été blessés, et plus de 1 500 voitures incendiées.

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samedi 31 mars 2007

Police: Retour sur une bavure

L'Humanité

Le 1er janvier, la police avait gazé une famille qui fêtait le nouvel an dans un bar parisien. Un avis accablant a été rendu sur cette intervention.

Désormais, on ne parlera plus d’« intervention controversée ». Mais bien de bavure policière. Saisie, en janvier 2004, par Nicole Borvo (sénatrice PCF) et Christophe Caresche (député de Paris), la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) s’est penchée sur l’histoire de ce réveillon familiale dans un bar parisien qui avait viré au cauchemar après lmusclée de la police (l’Humanité du 23 janvier 2004). Résultat : son avis, rendu le 6 octobre, appuie en partie la version du propriétaire de l’estaminet. Et fustige l’attitude des forces de l’ordre.

Que s’est-il passé cette nuit du 1er janvier ? Mohand Amiar, le patron du Bar des Postes de la rue Clignancourt (18e), avait organisé une petite fête privée dans son établissement. Rideau de fer baissé « aux trois quarts », des femmes, des enfants, des grands-parents. Juste la famille et quelques amis. Une trentaine de personnes en tout. Vers 3 heures du matin, la soirée dégénère. Des frères éméchés s’engueulent dans la rue. Deux policiers du commissariat d’en face interviennent. Mohand Amiar sort pour s’expliquer. Il est rabroué, puis jeté à terre. Les coups de matraque pleuvent et des renforts de la brigade anticriminalité (BAC) arrivent immédiatement sur les lieux. C’est l’engrenage. Un policier vide une bombe lacrymogène à l’intérieur du bar en maintenant la porte fermée. Tout le monde à l’intérieur suffoque.

Les pompiers accourent. La grand-mère finit aux urgences. Une jeune femme a le ménisque fracturé par un coup de pied policier. Mohand Amiar et l’un de ses frères se retrouvent en garde à vue. Ils y resteront plus de quarante heures sans pouvoir appeler leur avocat. En comparution immédiate, ils écoperont finalement de deux mois de prison avec sursis pour « violences aggravées ». Avec fermeture administrative du bar pendant deux mois. Plus dramatique encore, un artiste suédois, lui aussi aspergé de gaz lacrymogène pendant la soirée, décédera quelques heures plus tard d’un arrêt cardiaque dans l’escalier de son domicile.

Aujourd’hui, la CNDS ne porte « aucune appréciation » sur la réalité des violences policières, les différentes poursuites judiciaires n’étant pas closes. Mais elle reconnaît implicitement ce dérapage ahurissant. La CNDS « tient pour établi qu’un ou plusieurs fonctionnaires de police (...) se sont livrés à une agression en projetant du gaz lacrymogène sur un groupe de personnes (...), parmi lesquelles se trouvaient des femmes, des enfants, et qui participaient de manière pacifique à une fête familiale ». Concernant l’identité des auteurs, « aucune recherche, constate la commission, n’a été effectuée par l’IGS à partir de l’enregistrement du trafic radio ou à partir de la comptabilité administrative » des bombes lacrymogènes affectées aux policiers.

La CNDS épingle aussi l’attitude de la hiérarchie policière. Le capitaine de police, témoin direct de ce gazage illégal, n’a pas pris la peine de prévenir le procureur de la République comme le Code de procédure pénale l’y oblige. Pis, les fonctionnaires de police présents n’ont pas pris la peine de porter secours aux personnes incommodées par le gaz. « Ils se sont empressés de rentrer dans le commissariat », déplore la commission, qui souligne qu’aucun policier n’a appelé les pompiers, prévenus par l’un des membres de la famille Amiar. Enfin, la CNDS se refuse à faire un lien direct entre le gazage et la mort de l’artiste suédois. Mais observe, cependant, « que la violence dont il a été victime n’a pu qu’aggraver le risque mortel auquel il était exposé ». Pour le moins.

Plusieurs enquêtes administratives sont réclamées par la CNDS qui a transmis son avis au procureur de la République.

Laurent Mouloud

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jeudi 5 mai 2005

Mais que fait la police ? Bavures : l’art du camouflage

Le Nouvel Observateur

Entre l’indulgence de la hiérarchie, l’omerta qui règne dans les rangs et les contre-feux judiciaires, pas facile d’obtenir gain de cause quand la police dérape

Le 23 décembre 2002, Omar Baha aurait peut-être dû fermer les yeux et accélérer le pas. Seulement voilà, cet acteur français d’origine algérienne ne supporte pas le spectacle qui se déroule devant lui: un groupe de policiers est en train de rouer de coups un jeune homme à terre, près de la station Château-d’Eau, à Paris. Baha s’approche. Et commence à tancer les représentants des forces de l’ordre. «Je vais signaler vos agissements au ministre de l’Intérieur», les prévient-il. Puis il s’éloigne. A peine arrivé au métro, il est rattrapé, frappé et arrêté par les pandores passablement énervés.

Omar Baha va faire près de deux jours de garde-à-vue pour outrage, rébellion et même «incitation à l’émeute», une infraction familière des dictatures du monde entier… mais inexistante en droit français! Relâché le jour de Noël, Baha porte plainte à son tour contre les policiers. La justice va donc instruire en parallèle les deux dossiers: contre Baha d’un côté, contre les policiers de l’autre. Pas à la même vitesse néanmoins. Un an plus tard, Baha est jugé pour rébellion et outrage, et relaxé. Mais il attend toujours, deux ans et demi après les faits, que sa propre plainte pour mauvais traitements soit examinée par les tribunaux…

Au petit jeu du «plainte contre plainte», celle des forces de l’ordre est toujours traitée plus diligemment. Tous les policiers de France et de Navarre le savent. Et en profitent pour tenter d’échapper aux sanctions. «L’ultime arme de défense du fonctionnaire de police auteur de violences illégitimes est le dépôt de plainte pour outrage et rébellion à agent, note la Commission nationale Citoyens-Justice-Police, un observatoire mis sur pied par des associations de défense des droits de l’homme, le syndicat des avocats et celui de la magistrature. Ainsi, les personnes sont regardées par les autorités judiciaires non pas comme des victimes mais comme des auteurs du délit.»

Cachez ces bavures que je ne saurais voir. Montrez-moi plutôt des outrages et de la rébellion. Une stratégie payante pour la police, selon Fabien Jobard, un chercheur du Centre de Recherches sociologiques sur le Droit et les Institutions pénales (CESDIP): «Celui qui se plaint de violences policières mais est également sous le coup d’une enquête pour outrages a de trois à dix fois moins de chances de voir son cas aboutir à une sanction que la victime non poursuivie par la police.» La technique de la contre-plainte ne suffit pourtant pas à expliquer l’indulgence dont bénéficient trop souvent les forces de l’ordre. Enquêter sur les violences policières relève en effet de la gageure tant l’esprit de corps règne dans les rangs. La très officielle Commission nationale de Déontologie de la Sécurité (CNDS), une autorité indépendante chargée d’enquêter sur les incidents mettant en cause la police, en sait quelque chose. Dans son dernier rapport annuel, publié il y a quinze jours, elle déplore cette culture qui «conduit des fonctionnaires à se solidariser et à uniformiser leurs dépositions au risque de couvrir les actes illégaux de collègues».

Cette omerta policière explique par exemple l’impunité dont ont bénéficié les agresseurs de Baba Traoré il y a quatre ans. Ce Malien résidant en Espagne et ne parlant pas un mot de français est interpellé par la Police de l’Air et des Frontières (PAF) à la gare d’Hendaye et conduit au commissariat. Là, selon ses dires, il est violenté avant d’être relâché une demi-heure plus tard. Hospitalisé six jours, Baba Traoré porte plainte. Mais l’enquête va se terminer par un non-lieu. Le juge d’instruction était en effet incapable de déterminer avec précision l’auteur des coups, alors même que la victime l’avait identifié sur photo. «On peut facilement en déduire que les policiers s’étaient mis d’accord pour ne pas coopérer avec les enquêteurs», estime aujourd’hui Amnesty International, auteur d’un rapport très sévère publié le mois dernier. Aucune sanction n’a été prise à l’encontre des policiers de la PAF.

Que fait la police des polices dans ces cas-là? L’Inspection générale des Services (IGS) en région parisienne et l’Inspection générale de la Police nationale (IGPN), qui enquête dans le reste de la France, ne parviennent pas toujours à faire la lumière sur les affaires sensibles.

Au début de l’année, deux agents de police impliqués dans une arrestation musclée à L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne) ont ainsi bénéficié d’un non-lieu. L’interpellation, après un vol et une course-poursuite en voiture, avait mobilisé près de vingt-cinq policiers. Les jeunes délinquants, roués de coups, avaient dû être hospitalisés. Mais l’enquête, faute de témoignages, n’a jamais pu déterminer avec précision les auteurs du passage à tabac. Parfois, la police des polices fait aussi preuve de mauvaise volonté. Comme dans cette affaire d’utilisation massive de gaz lacrymogène dans un restaurant du 18e arrondissement de Paris, à la Saint-Sylvestre 2003. Un des convives intoxiqués meurt quelques heures plus tard. Mais l’IGS se révèle incapable de désigner l’auteur du gazage, parmi les sept policiers soupçonnés. Alors même que le coupable a bien dû, à un moment ou à un autre, demander une recharge de gaz pour remplacer celle utilisée et compléter ainsi son équipement!

Aux failles de l’enquête vient parfois s’ajouter la mansuétude de la justice. Même, les faits les plus graves, les bavures mortelles ne sont pas toujours réprimés avec grande sévérité. Au printemps 2000, Riad Hamlaoui est abattu à bout portant par un Stéphane A., un policier lillois. Hamlaoui n’était pas armé mais avait le tort d’être le passager d’une voiture présumée volée. Lorsqu’il s’extrait du véhicule, le coup de feu part, la balle lui traverse le cou. La mort instantanée. Le fonctionnaire de police est traduit devant la cour d’assises, radié de la police et condamné à… trois mois de prison avec sursis! A l’audience, le président de la cour justifiera la mansuétude du jugement en mettant en cause la formation «insipide» dispensée au fonctionnaire par l’école de police. Mais n’ira pas jusqu’à demander l’arrestation immédiate du responsable de ladite mauvaise formation, à savoir le directeur général de la Police nationale!

Les sanctions pleuvent... doux

La simple évocation d’une éventuelle impunité de la police fait hurler au ministère de l’Intérieur. Et la Place-Beauvau de brandir ses statistiques disciplinaires pour illustrer son intransigeance sur les principes. L’an dernier, 157 policiers ont été révoqués et 2 406 diversement sanctionnés, du simple avertissement à la suspension temporaire. De son côté, l’IGPN reconnaît que les accusations de violences policières sont en augmentation. Ses services ont en effet traité 724 plaintes en 2004, soit 18,49% de plus que l’année précédente. Mais, après enquête, la police des polices rejette comme infondées sept accusations sur dix…

Olivier Toscer

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mardi 19 avril 2005

BAVURES - RACISME - POLICE

Après Amnesty International qui dénonçait en avril l’impunité des agents de la force publique en France, (lire notre édition du jeudi 7 avril 2005 , France, rubrique BAVURES : La chronique judiciaire de Pascal Mourot), la Commission Nationale de Déontologie de la Sûreté (CNDS), commission indépendante créée par la loi 2000-494 du 6 juin 2000, a publié lundi son rapport annuel 2004 qui montre que les violences commises par les policières sont en forte augmentation.

Selon plusieurs enquêtes la police a de plus en plus souvent un comportement raciste à l’égard des jeunes issus de l’immigration, notamment depuis le passage au Ministère de l'Intérieur de Nicolas Sarkozy.

Le nombre de cas dus à la police serait beaucoup plus important selon les organisations humanitaires puisque les épisodes entre la population d’origine africaine ou maghrébine, vivant le plus souvent dans la région parisienne, n’aboutissent pas tous devant la Commission, d'autant que celle-ci ne peut pas être directement saisie.Les demandes motivées doivent être adressées à un parlementaire, sénateur ou député de son choix, à l'exception de ceux qui sont membres de la Commission et pour être recevable, la réclamation doit être transmise à la Commission nationale de déontologie de la sécurité dans l'année qui suit les faits. Une réclamation portée devant la Commission n'interrompt pas les délais relatifs à la prescription des actions en matière civile et pénale et aux recours administratifs et contentieux. Les plaintes, au nombre de 19 en 2001, 40 en 2002, 70 en 2003, ont augmenté de 38 % en 2004.

33 % des dossiers concerne la seule police nationale et la commission note un nombre croissant de litiges survenus à la suite de contrôles routiers. Ces contrôles dégénèrent fréquemment et débouchent sur des poursuites engagées par les policiers pour "outrage à agents de la force publique" ou "rébellion". La Commission rapporte que "des mesures de contrainte" qui sont alors prises sont disproportionnées avec la réalité.

Parfois, ces contrôles de police donnent lieu à des "violences inadmissibles". La Commission rapporte un cas, des policiers en état d’ivresse qui ont frappé un Turc "à coup de matraque, de poing, de pied, en tenant des propos racistes" et celui d'un homme atteint d'un cancer frappé d'un coup de tête alors qu'il tentait d'intervenir en faveur de son fils.

Les auteurs de violence sont souvent de jeunes policiers âgés en moyenne de 25 ans. La plupart viennent de province et se retrouvent dans des quartiers difficiles alors qu’ils manquent d’expérience et de formation. Les plaignants, eux, comprennent "un fort noyau de jeunes issus de l’immigration maghrébine de 18 à 35 ans".

"Une fracture s’établit, pouvant amener des citoyens à pouvoir douter de vivre dans un Etat de droit s’ils ne sont pas traités comme tels", observe la Commission. "Il y a urgence à mieux diriger la police sur le terrain" a réclamé le Président de la CNDS, Pierre Truche, Président honoraire de la Cour de cassation et de la Commission consultative nationale des droits de l'homme. Le responsable de la Commission a fait par ailleurs remarquer que les dérapages concernent peu les gendarmes, qui ne travaillent pas dans les mêmes conditions que la police. Les gendarmes vivent dans des casernes et sont mieux encadrés, la hiérarchie est aussitôt informée du moindre incident.

Enfin, rappelons que 4 circulaires ministérielles ont vu le jour à la demande de cette instance. La dernière concerne les femmes détenues qui accouchent : pour elles, le port des menottes est désormais interdit. Les syndicats de police ont dénoncé le contenu de ce rapport. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre de l’Intérieur, de la Sécurité intérieure et des Libertés locales, rappelle qu'il est prévu, depuis quelques semaines, d’augmenter le nombre de gradés à Paris, ce nombre passerait de 12 à 26 % des effectifs de policiers.

Source : Fil-info-France du mardi 19 avril 2005 N° 1011/22407, pays France, rubrique BAVURES - RACISME - POLICE

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vendredi 26 mars 2004

Les bavures policieres en augmentation constante depuis cinq ans

Vendredi 21 février 2003 (LE MONDE)

Qu’on les appelle "bavures policières" ou, plus officiellement, "violences illégitimes" exercées par les forces de l’ordre, leur nombre est en hausse constante depuis cinq ans. En témoignent les chiffres des dossiers traites par l’inspection générale de la police nationale (IGPN) et, plus révélateurs encore, ceux de l’inspection générale des services (IGS) qui font état de 432 plaintes traitées en 2002 contre 216 en 1997, soit une augmentation de 100 % ! Les associations expliquent ce phénomène par l’omniprésence du discours sécuritaires. Les policiers mettent en avant le durcissement de la délinquance, facteur de risque de dérapages. Les infractions pour outrage ou rebellions sont de plus en plus utilisées, selon les associations, pour couper court a toute poursuite pour violences illégitimes.

Le langage commun a retenu l’expression "bavures policieres". L’administration préfère parler de "violences illégitimes". Quelle que soit l’appellation, le phénomène est certifie par les associations et confirme par les chiffres : les dérapages policiers sont en hausse constante. L’indicateur le plus fiable est le nombre de dossiers traites par la police des polices, c’est-à-dire l’inspection générale des services (IGS) pour Paris et la petite couronne, et l’inspection générale de la police nationale (IGPN), qui couvre l’ensemble de la France et qui ne peut etre saisie directement par les particuliers, contrairement a l’IGS. Sur les dernières années, les chiffres sont frappants : ils indiquent une hausse régulière de 1997 a aujourd’hui.

En 2002, l’IGPN a enregistré 592 plaintes pour violences policieres illégitimes, contre 566 en 2001 et 548 en 2000, soit une hausse de 8 % en trois ans. Cette évolution est encore plus flagrante lorsqu’on se penche sur les résultats de l’IGS, qui traite une grande majorité de ces plaintes : 360 dossiers en 2000, 385 en 2001, 432 l’an passe. Soit une hausse de 12 % en trois ans dans la région parisienne. En 1997, l’IGS n’en avait traite que 216. En cinq ans, ce chiffre a donc été multiplie par deux !

Expliquer cette hausse n’est pas aise. Le regain d’activité de la police des polices ne doit pas être négligé. Il faut aussi tenir compte de l’affirmation, depuis près de quinze ans, du statut de victime ; les particuliers ont de moins en moins de scrupules a porter plainte ou a dénoncer les abus qu’ils ont subis. Ainsi, a l’IGS, près d’une affaire sur deux est signalée par la victime, un chiffre en augmentation constante.

"COMME DES HEROS"

Un "effet Sarkozy" est-il venu amplifier cette hausse, antérieure a son arrivée au ministère de l’intérieur ? Des ses premières interventions devant les policiers, le ministre de l’intérieur a souligne qu’ils se devaient de respecter "les valeurs républicaines", sous peine d’être sanctionnés. Le 17 janvier, pour l’exemple, il a décide de suspendre deux policiers parisiens soupçonnés d’avoir passe a tabac Omar Baha, un Français age de 38 ans. Puis il a pris une mesure similaire, quelques jours plus tard, a l’encontre de trois agents de la Police aux frontières (PAF), après le décès d’un Ethiopien lors de son expulsion. Mais simultanément M. Sarkozy n’a eu de cesse de mettre en exergue le nombre de policiers blesses en service (6 593 en 2002, soit 1 300 de moins que l’année précédente), comme si la violence répondait fatalement a la violence. "Contrairement a Pasqua en 1986 et 1993, Sarkozy n’a pas donne carte blanche aux policiers, explique le sociologue Dominique Monjardet. ! Mais en même temps il leur a mis une pression, concernant les résultats, qui peut s’avérer dangereuse. Remettre au premier plan une police uniquement répressive, c’est se préparer a des lendemains difficiles et a des émeutes urbaines. "

Au MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) Paris, qui enregistre une recrudescence des cas de bavures depuis quelques mois, on souligne les dégâts du "discours sécuritaire omniprésent". "Les policiers ont été très valorises ces derniers temps, ils sont présentés comme des héros dans d’innombrables reportages et se sentent les mains libres", affirme sa présidente, Emmanuelle Le Chevallier. Néanmoins, le nombre de sanctions disciplinaires contre des policiers est stable depuis trois ans, autour de 2 100 cas. Parmi elles, en 2002, 32 sanctions ont été prononcées contre des policiers coupables de violences en service, dont une révocation et six exclusions temporaires d’un mois a deux ans, assorties d’une rétrogradation. Vingt-trois policiers avaient été sanctionnes en 2001 et 27 l’année précédente.

Les quartiers dits sensibles sont des zones de frottement et d’hostilité entre les forces de l’ordre et les jeunes, dans lesquelles les abus policiers ont le plus de chances de se produire. A Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), un Comite pour le droit, la justice et les libertés a été crée par un groupe d’habitants suite a des violences policieres a l’encontre de certains d’entre eux, en octobre 2001. Dans son premier rapport annuel, le Comite dénonce la multiplication des propos racistes, les abus de pouvoir et les violences commises par les policiers dans le département. L’"effet Sarkozy", les membres du Comite ne le perçoivent pas : "On ne constate pas de changement, soupire sa porte-parole, Francoise Davisse. C’est toujours les contrôles d’identité abusifs, le harcèlement des gamins, l’accueil au commissariat en fonction de la couleur de peau. On est dans une situation d’affrontement permanent."

Les explications sont fort différentes du cote des syndicats de policiers. Tout en reconnaissant l’existence de quelques éléments incontrôlables dans l’institution, ils mettent surtout en avant la difficulté de la mission des forces de l’ordre, auxquelles on demande de compenser les faiblesses des autres acteurs sociaux. Pour Bruno Beschizza, secrétaire général du syndicat Synergie-officiers, "les risques de dérapage ont augmente tout simplement parce que, avec Sarkozy, les policiers vont dans les endroits qu’ils avaient désertés. Par ailleurs, il y a plus de bavures parce qu’il y a plus de violences en face et que la délinquance s’est durcie. "

"SANS CASSER DES OEUFS"

Le constat est identique du cote de SGP-FO, dont le porte-parole, Nicolas Couteau, se félicite d’un "certain retour a l’ordre. Dans les années 1980, lorsque les policiers intervenaient dans les quartiers chauds, ils se disaient : pas de provocation, sinon on s’en va. Aujourd’hui, on nous dit qu’on doit s’imposer et que force doit rester a la loi. Quand on veut occuper le terrain, on rencontre forcement des resistances."

Malek Boutih, president de SOS-Racisme, s’interroge pour sa part sur la "culture profonde" de la police, qui n’aurait pas change, malgré "l’évolution sociologique des policiers, qui sont de plus en plus jeunes et mieux eduques, et l’instauration de la police de proximite". Selon Malek Boutih, "la logique policiere reste qu’on ne peut pas faire d’omelette sans casser des œufs, et que par consequent les bavures sont inevitables".

Piotr Smolar

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